L’HISTOIRE DE L’AVIATION – des origines à 1914
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1910. Le « Canard » de Fabre (France)

DE retour aux États-Unis, Glenn Curtiss s’attaqua au problème de l’hydravion. Son idée était de tenter l’essai avec un biplan à flotteurs formant coque. Il construisit un appareil ainsi équipé et, le 22 janvier 1911, il réussit deux envols et deux amerrissages dans l’Océan. Cette performance réalisée, il s’empressa de faire dresser par la Cour d’Appel de New York un acte constatant qu’il avait construit et piloté avec succès le premier hydravion au monde. Quelle ne fut pas sa déconvenue lorsqu’il apprit qu’un Français l’avait devancé de dix mois ! Celui-ci était un jeune ingénieur marseillais nommé Henri FABRE. Travaillant en silence depuis 1907, il avait étudié les expériences de Voisin, de Kress, de Langley ; il s’était penché surtout sur les très anciennes recherches du pasteur anglican Ramus, l’inventeur (bien oublié) du redan. Ayant fait la somme de tout cela, FABRE employa ses maigres ressources à construire un hydravion de sa conception. De formes extrêmement curieuses, haut sur pattes, enchevêtré de câbles, inconfortable au possible, cet engin fut amené le 23 mars 1910 sur l’étang de Berre, près de Marseille. À 10 heures du matin, l’appareil que FABRE avait baptisé le Canard, ainsi étaient désignés les appareils dont le petit plan était à l’avant et le système propulsif à l’arrière, était mis à flot. Le jeune ingénieur, qui n’avait jamais piloté ni même volé, s’installa bravement sur la poutre-siège et le moteur Gnôme-Rhône de 50 CV fut lancé. Sous les yeux de quelques familiers, l’hydravion s’ébrouait, démarrait, prenait la vitesse et, au bout de 300 mètres de sillage, s’élevait dans les airs. Il parcourut ainsi une distance de 500 mètres à 5 mètres de haut puis se posa tranquillement. Le premier hydravion du monde venait de voler ! Quelques instants plus tard, FABRE exécuta encore trois autres vols, dont un de 800 mètres, sur quoi l’un de ses amis présents s’en alla quérir deux témoins, dont Me Raphel, huissier de son état. À 17 h. 30, le Canard effectuait, deux nouveaux vols, aussi parfaits que les premiers. Les témoins signèrent : l’exploit de FABRE était officiel !