L’HISTOIRE DE L’AÉROSTATION – des origines à 1940
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1917. Dirigeable « L 59 » (Allemagne)

PENDANT la Première Guerre mondiale, les Zeppelin rendirent de grands services, mais subirent aussi des pertes effrayantes. La plus grande entreprise aérienne de toute cette période de guerre fut certainement celle accomplie en novembre 1917 par l’aéronef L 59 commandé par le capitaine Buckholt. La garnison allemande en Afrique Occidentale sous le commandement du général Von Lettow-Forbeck, attaquée par les Anglais, avait un besoin urgent de ravitaillement. On choisit, le L 59. Une fois arrivé à Kitangouri, le grand dirigeable long de 226 m, d’un diamètre de 24,50 m et d’une capacité de 68 000 m3 de gaz, devait être démantelé. Le L 59 partit le 21 novembre 1917 de la base de Yamboli, en Bulgarie, avec une charge de 50 tonnes de matériel utile. Il survola la Turquie, son alliée, s’arrêta dans le ciel de Smyrne, passa au-dessus de la Crète et traversa la Méditerranée. À l’aube, il était en vue des côtes africaines, puis il vola pendant de longues heures par une chaleur suffocante au-dessus des sables du désert libyen, terrorisant des caravanes de chameliers. Au coucher du soleil, il survolait le Nil, près de la seconde cataracte. Il contourna Khartoum, alors occupée par les Anglais, et se dirigea vers le Tanganyika, qui n’était plus qu’à 640 km seulement. C’est à ce moment précis qu’un message du haut commandement allemand arriva au télégraphiste de bord : « Interrompez votre mission et retournez à la base. Stop. Grande partie du haut-plateau de Makonde déjà occupée par l’ennemi et Kitangouri tombée. » Les larmes aux yeux, le commandant Buckholt ordonna au timonier de faire demi-tour. 95 heures après le départ, le L 59 rentrait à Yamboli où il était accueilli avec tous les honneurs. La mission n’était pas remplie, mais l’aéronef avait parcouru 6 750 km sans escale, à la vitesse moyenne de 72 km/h, volant ainsi près de 100 heures et accomplissant l’une des plus grandes performances de cette guerre. Les Alliés l’admirent également, avec cependant un sourire narquois : le message donnant, l’ordre de rentrer était en fait un faux émanant du contre-espionnage.